Maryse, prof de soutien scolaire en ligne de philosophie, dresse un portrait idyllique de ce héros BD parfait.  

Personnage théorique

soutien scolaire philosophieLe jeune et petit reporter en quête de vérité, interpellé par les énigmes qu’il rencontre dans le quotidien de sa vie, revêt dans une « ligne claire » l’image d’une icône évoluant autour de personnages archétypaux et caricaturaux:

  • Son coéquipier, le capitaine Haddock épidermique, sensible, extrême, colérique, alcoolique et injurieux représente l’emportement, l’«hubris» chez Aristote c’est-à-dire la démesure.
  • Le professeur Tournesol, atteint de surcroît de surdité, est un personnage savant  immergé dans un monde scientifique dont les recherches le déconnectent de la réalité quotidienne.
  • Le personnage féminin de la Castafiore est envahissant physiquement, psychologiquement et professionnellement.
  • Dupont et Dupont caractérisent la bêtise, les anecdotes, les conclusions simplistes, lourdes et loufoques, d’autant qu’elles font écho puisque l’un répète l’autre.

Dans ce cadre relationnel-là le héros est un personnage « défini », régulier, qui ne déroge jamais à son caractère type. Il représente presque un concept théorique, tant son personnage est peu incarné. En effet, il est dégagé de toute contrainte physique, matérielle, familiale et psychologique. Il s’habille toujours de la même manière, sa houppette est légendaire et ne vieillit jamais (son chien aussi). Il est doté d’une force souvent surprenante quand on évalue son gabarit.

Il n’a pas de passé, pas de mère, de père, d’enfant, de femme, aucun projet personnel. Il n’a pas de vie privée. Il n’exprime aucune limite matérielle, et temporelle quand il s’apprête à mener une enquête.

Et quand il agit, il n’éprouve pas le sentiment de peur. Il vit pourtant des moments difficiles où il peut s’évanouir, subir des violences physiques, ou se trouver sur le point de mourir. La peur qui inhibe l’action n’apparaît jamais. Elle n’altère pas sa réactivité intellectuelle et sa capacité stratégique liée à l’instinct de survie. Tintin semble ne pas avoir de limite inconsciente, ou pas d’inconscient du tout. Totalement transparent à lui-même, il l’est aussi pour le lecteur qui peut donc facilement le définir, lui donner des contours simples et précis.

Personnage-concept épuré, voire « pur » ou « lisse », aucun élément parasite n’a jamais modifié cette représentation. Les personnages d’Hergé ne dérogent jamais de leur archétype. En toute situation, ils agissent fidèles à leur définition.

© OliBac Flickr Creative Commons

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Personnage vertueux

Personnage théorique dont on peut anticiper, par conséquent les actions, Tintin agit dans quel sens ?

Quelle direction morale le reporter du Petit XXe donne-t-il immanquablement à son action ?

Il agit en vertu du Bien. Il ne professe pas les valeurs de la bonne action. Il agit seulement lorsque les dérives humaines mettent à mal la justice, la protection de la nature (faune et flore), les relations avec autrui, la démocratie, l’équité, la vie collective. Ainsi donc agir pour le souverain « Bien », ce n’est pas pontifier c’est réagir face aux déviances qui peuvent déséquilibrer l’harmonie collective, les dénoncer, les contrer et les démanteler. Le personnage invite le lecteur à la lucidité, et à la vigilance face à la réalité. Ici, le « Bien » consiste à élucider les stratégies humaines qui déséquilibrent le rapport de l’Homme avec la nature et Autrui.

Comment agit-il pour contrer le « Mal » ?

En tant que personnage-concept, le héros à la houppe se positionne indéfectiblement pour le « Bien », sans présenter d’opacité personnelle. En effet, il n’est pas gouverné par la recherche de la gloire, de l’honneur personnel. Il n’espère aucune promotion dans le mouvement de sa démarche. Il ne témoigne pas non plus d’intérêt personnel quand il s’engage dans une mission.

Sa pensée est mouvement.Il n’y a pas l’interface de la spéculation, du calcul, ou de la peur entre la pensée et l’action. A l’idée se joint immédiatement l’action. Action immédiate mais mesurée qui représente le  « Kaïros » d’Aristote. Tintin évolue de manière mesurée, sans excès, de manière raisonnable. C’est un homme d’action, action immédiate, sans élaboration, sans choix préalable. Il est porté  par le souffle du « Bien ». Il n’évalue pas, à priori, le temps (la durée de la mission), les moyens d’action (l’argent, la technique…), et l’espace (il peut aller dans le monde entier, et même sur la lune…).

Même si sa simplicité et sa fraîcheur vigilante le caractérisent, sa dimension éthique est portée aux nues dans le monde entier comme le montre la fin de l’album de ses aventures aventures au Congo.

Comment mener à bien le choix du « Bien » ?

C’est le courage de qui lui permet de concrétiser son choix. La force de défendre une direction, un point de vue envers et contre tout, de maintenir une ligne de conduite dans un univers hostile  est omniprésente . Il maintient tout au long de son œuvre une intégrité indéfectible face aux propositions alléchantes, à la violence, aux accusations, et au risque de mourir. Il prend la pleine mesure de son engagement libre et volontaire et maintient sa direction. Dans ce sens, il se préoccupe moins de sauver sa vie que de sauver le système de valeurs qu’il incarne. Le courage c’est l’engagement pour une cause au risque de susciter l’impopularité, le rejet, la mort. C’est être en accord avec soi-même et se donner les moyens de le faire valoir.

Mu par le souffle du projet, le héros se décline tout au long de ses péripéties, comme un personnage vertueux, stoïque, missionné par le souverain « Bien ». Enveloppé dans l’instant présent, il évolue, raisonnable, fiable, et combatif. Exemplaire et simple, il devient notre ami, celui à qui notre enfance a fait confiance.
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