La théorie de l’inconscient ou la démocratisation de la folie, sujet de ce cours de philosophie en ligne pour la préparation de votre baccalauréat.

Longtemps  considéré comme un être  naturellement à part  dans un monde féodal  hiérarchisé où le roi, revêtait le statut d’intermédiaire entre Dieu et le peuple,  le fou, le dément , « l’idiot du village »  occupait une place  de « sous-être » idiosyncratique et différent. De la même manière qu’il existait différentes espèces d’êtres vivants comme  les monstres, les nains,  les handicapés, etc., les fous, les aliénés faisaient partie intégrante  du tableau vivant hiérarchique de la  nature.  Les « fous » étaient donc admis comme des êtres avec un statut qui  les rendaient inférieurs  socialement  au commun des mortels. Ce « fou »  ne pouvait entrer en rivalité avec quiconque. Cet « autre » circulait dans le monde engendrant  de la pitié,  de la moquerie, parfois aussi de  la maltraitance. La place qu’il occupait  au sein de la société était donc reconnue et tolérée comme telle. Plus encore, on pouvait même l’accueillir chez soi et  lui réserver une place à table. Il déambulait dans les rues, côtoyait les hommes, les femmes, et les enfants. Immergé jadis  dans le bain social des habitudes relationnelles, pourquoi le fou  est-il dans notre monde contemporain  exclu, caché et confiné entre quatre murs ? Pourquoi, progressivement, le « fou » a pris le statut de marginal au même titre que les criminels, les hérétiques, les pauvres, etc. ?

En 1656 fut en effet fondé « l’hôpital général » qui servira à interner « les fous » ainsi que des misérables ou des criminels mélangés. Considéré par Foucault comme une régression, la société désormais rationnelle et capitaliste marginalise «  le fou » qui   effraie : on le cache, on le marginalise, on l’évite, on l’exclut.

Pourquoi dans notre monde moderne « le fou » – qui pouvait même faire rire – fait-il  peur désormais ?

I /  Changement de la représentation de la folie

Avec  les  droits de l’homme, le « fou » devient de droit un être humain comme les autres. En effet, les droits de l’Homme ou droits de la personne sont des principes selon lesquels tout être humain possède des droits universels, inaliénables quels que soient  le droit positif (les lois) en vigueur dans un pays, l’ethnie, la nationalité, ou la religion.  Peu importe la spécificité culturelle d’un être humain, ce dernier a des droits qu’il peut faire prévaloir au sein de la société et face au pouvoir politique en exercice parce qu’il est un humain. Cette entrée dans le monde des droits de l’Homme va avoir des conséquences notables  dans la manière d’appréhender les êtres humains, et notamment « le fou ». Ce dernier a désormais les mêmes droits que les autres humains de son espèce. Il n’est plus considéré comme un être de nature particulière, considéré comme la cible de forces externes (possédé) mais comme faisant partie du genre humain.

Toutefois, s’il fait partie  du genre humain, il doit donc ressembler à ses pairs (aux autres humains).  Autrefois, considéré comme un aliéné et stigmatisé comme tel il était certain  qu’il ne pouvait recouvrir le statut d’un être normal. Or, s’il entre dans l’ère des droits de l’Homme,  sa représentation change  et il  doit, à cet égard, se comporter comme un être normal. Si  cette condition n’est pas remplie, il ne peut donc s’intégrer à la société, dont les asiles  se destinent à réparer les écarts de comportement. Celui-ci, en tant qu’être humain doit pouvoir  être  capable de se comporter comme tel. Les asiles auront donc  pour dessein  de « redresser », de rééduquer  les comportements  d’aliénés. Le fait qu’ils appartiennent au genre humain ouvre l’espoir d’une évolution possible du comportement.

II/ La théorie de la psychanalyse freudienne

Dans ce cadre-là, la folie  n’est plus naturelle et irrémédiable, mais devient une maladie mentale, dont il est  possible de guérir.

Et Freud, considéré comme le père de psychanalyse parce qu’il a  élaboré une théorie de l’inconscient humain, montre que la maladie mentale est au fond  le résultat de  conflits internes en l’homme.

Dans Introduction à la psychanalyse, au chapitre 22,  Freud développe la structure dynamique de l’inconscient et montre comment se développe névroses, psychoses,  phobies, et idées obsessionnelles (entre autres).

A/ La structure de l’inconscient

philosophie en ligne, FreudSelon Freud, l’inconscient  est composé du ça (libido, énergie sexuelle, pulsions de vie, vouloir vivre, désirs), du surmoi (qui représente la morale, les tabous, les interdits) et du moi dont le rôle consiste à gérer ces deux pôles qui s’opposent, qui sont souvent en conflit.

Le « moi » essaie de trouver un « modus vivendi », un compromis entre ces deux forces antagonistes, très souvent. Il gère les conflits entre ces deux instances : ça et surmoi, afin de créer une  harmonie dans l’état psychique du sujet.

Alors que le ça ou le désir est interdit d’accès à la conscience parce qu’il jugé immoral par le surmoi, il va s’exprimer par les actes manqués, les lapsus, les rêves. L’expression directe du désir étant prohibée, l’imagination du sujet est l’outil qui va permettre  au désir  de passer « la douane » du surmoi.  Grâce à cette fonction imaginaire, le désir est d’une certaine façon satisfait, et cela  permet de calmer l’appareil psychique du sujet très excité. C’est la raison pour laquelle, les rêves sont parfois si déroutants, incompréhensibles, et irrationnels. C’est le but du moi que de « faire passer » le désir tabou à l’insu de la censure en le transformant.

De même que  le lapsus est une parole qui procède  de  la perturbation de  l’inconscient sur  la pensée consciente,  les actes manqués  sont aussi, des actions qui sont fortement influencées par le désir inconscient qui  la détourne, la dirige vers autre chose. Une tendance perturbatrice interfère donc avec l’acte conscient. Dans le fond, ces actes qui « n’ont pas de sens » ou ne veulent rien dire  sur le plan conscient, sont profondément chargés de sens sur le plan inconscient.

B/ La folie ou les maladies mentales

Dans sa volonté d’expliquer, de donner une raison à l’inexplicable, à l’insensé, Freud montre  comment le symptôme névrotique se développe au cours de l’évolution psychique du sujet. En effet, la névrose dont le point de départ est la frustration d’un objet de désir (l’amour d’un homme par exemple) va trouver un substitut  dans la sublimation (l’apprentissage d’un instrument de musique, la lecture de romans d’amour, etc.).

Cependant, si la sublimation est trop difficile et ne peut se réaliser, le sujet va essayer de trouver du plaisir là où il a été heureux au cours de son évolution psychique en régressant. Par exemple, on peut revenir aux plaisirs relatifs au stade oral (sucer, boire, etc…) ou aux plaisirs liés au stade sadique anal (tuer les fourmis, torturer des insectes, se  laver, jouer avec ses excréments etc.).

Mais  régresser et agir comme un bébé ou un enfant est interdit par le surmoi de l’adulte.

Il s’agira donc pour ce dernier de sublimer  cette régression : c’est le symptôme névrotique qui n’est pas le résultat d’une frustration externe mais d’une impossibilité interne suscitée par le surmoi.

Selon Freud, ce symptôme peut se manifester à travers le collectionnisme (timbres, voitures, CDs, etc.), des rituels, etc.

Ces frustrations suivies de régressions impossibles par le surmoi et de sublimations de la régression expliquent le blocage du flux de la libido. Blocage qui empêche la jouissance et l’action du sujet dans la vie.

Aussi, la cure psychanalytique a pour ambition  de lever certains de ces blocages afin de fluidifier les flux libidinaux  du patient.

Le « fou » n’est plus un étranger à l’espèce humaine, mais en fait partie intégrante et peut même améliorer son état grâce à l’introspection psychanalytique.

III/ La folie : une facette de l’humain qui fait peur

En attribuant à  tous les humains  de droit  d’égalité, de liberté et  de fraternité, une identité de droit des hommes s’est installée.  Tout un chacun peut s’identifier à l’autre, se comparer,  se ressembler. Dès lors, l’autre devient la figure emblématique du soi. L’image de l’autre me renvoie  à moi-même. C’est la raison pour laquelle la mendicité (par exemple) m’est pénible à supporter. Je peux – potentiellement – être ce mendiant. Lorsque j’aide ce mendiant,  je fais acte de générosité à l’espèce humaine à laquelle j’appartiens. Donc, à moi sur le plan symbolique. Sur certains écrits des pauvres, il arrive de lire « Avant, j’étais comme vous ! ». Cela signifie  que cette condition est possible pour tout être humain et que par conséquent, elle fait peur.

Dans le domaine de la folie, l’image du fou fait peur car il devient aussi une potentialité humaine, un possible. Le déséquilibre psychique peut arriver à n’importe qui. C’est la raison pour laquelle l’image du « fou » est insupportable pour la conscience humaine qui ne veut pas  déchoir psychiquement.  Le « fou » n’est plus fou, il devient malade mental avec des noms bien spécifiques comme bipolaire, schizophrénique, paranoïaque, etc. Dans leur ouvrage La pratique de l’esprit humain. L’institution asilaire et la révolution démocratique, Gladys Swain et Marcel Gauchet ont montré que la prise de conscience que le fou n’est plus soumis à des forces externes mais qu’il a un esprit est intimement lié à la révolution démocratique.

En devenant un alter égo, le malade mental devra donc se soumettre dans les asiles à « un traitement moral » selon Philippe Pinel, médecin, zoologiste et psychiatre . Son regard sur les fous sera bouleversant puisqu’il affirmera que ces hommes et femmes peuvent être compris et soignés. Son dialogue avec les fous était susceptible  de les aider pour  les réintégrer dans la société.

Il est à remarquer que cette perspective s’oppose totalement à celle de Foucault qui attribuait la peur du « fou », de l’être déraisonnable à la montée rationaliste et capitaliste de la société moderne. En substance, l’esprit de la raison exclut la déraison, et donc l’image de l’insensé.

Le « fou » devient donc une facette possible de la représentation humaine et ça fait peur. C’est la raison pour laquelle il est mis à l’écart du monde social.

Dès lors que la folie ne définit plus une qualité spécifique d’un être vivant, mais se conçoit comme  la résultante  d’un ensemble de conflits internes plus ou moins nombreux chez tous  les humains,  pouvons-nous arguer que la névrose caractérise l’espèce humaine ? Alors que la peur du «  fou » est envisagée comme la peur de la folie en soi, c’est l’entrée dans le monde des droits de l’Homme qui a démocratisé la folie  comme spectre rebutant d’un soi profond  qui tenaille. Plus encore, l’équilibre mental n’est-il pas l’équilibre de toutes les maladies  en l’homme ? La maladie étant le développement excessif d’une tendance.  La peur du « fou » comme déni de sa propre fragilité psychique laisse augurer une déshumanisation de l’Homme l’invitant toujours plus à s’affirmer en bonne santé dans le culte  de la positivité,  de la productivité, et  de la performance  physique. Est-ce que le spectre du déséquilibre mental  n’est pas un risque  dont il faut se préserver chaque jour ?

Alors ….

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