Cours de soutien scolaire en ligne spécial lycée avec cette présentation de L’Odyssée d’Homère, qui s’inscrit dans le thème de l’aventure, en associant français et philosophie.

L’Odyssée d’Homère, si loin si proche

L’Odyssée peut sembler bien lointaine avec ses trois millénaires, son grec archaïque, son texte transformé depuis l’Antiquité et sa pensée allégorique reflétant un animisme et un polythéisme aussi superstitieux que fantastique avec des usages sociaux fort éloignés des nôtres.

Pourtant, avec son héros éponyme, première grande figure de l’univers collectif occidental, prototype de ces héros chercheurs de trésors, chevaliers en quête d’idéal, aventuriers en quête d’un graal ou d’une arche perdue, grâce à une famille mythique et mythifiée réunissant l’archétype de la femme idéale qu’est Pénélope et le fils digne de son père qu’est Télémaque, avec ses personnages et les périples d’Ulysse, l’Odyssée continue d’exercer mystère, fascination et multiples interprétations.

Au-delà de cette modernité et actualité recherchées parfois à tout prix, il est important de s’intéresser à la singularité d’aventures moins réalistes qu’imaginaires et mythiques, sources d’inspiration traversant les siècles jusqu’à nous.

Un récit d’aventures

Si l’on définit l’aventure comme le surgissement inattendu d’événements imprévisibles et étranges, bouleversants et laissant planer la mort possible du héros jusqu’au dénouement, celles-ci sont nombreuses dans l’Odyssée.

Embarqué pour rejoindre Ithaque, Ulysse en est détourné pendant dix ans par des tempêtes, des courants contraires, des écueils, des ennemis, des anthropophages, des magiciennes, des plantes ou par les manquements de son équipage. Menacé de noyade, dévoration, empoisonnement, animalisation ou divinisation, il lutte pour rester un mortel, « mangeur de pain » comme les autres, retourner à ses origines dans sa patrie malgré les obstacles imputés à Poséidon.

L’Odyssée d’Homère, les sirènes

Dans cette quête obsessionnelle du retour (le « nostos » grec donnant nostalgie), Ulysse fait preuve de toutes les qualités de l’aventurier : courage, détermination, énergie, force mais demeure surtout connu pour son ingéniosité, sa ruse, son sang-froid, sa présence d’esprit et la fameuse patience, notamment face aux 108 prétendants à éliminer.

L’aventure recourt également à l’extraordinaire et au merveilleux et on voit Athéna guider Télémaque sous les traits de Mentès, Mentor et de Télémaque lui-même, Ulysse chez les Phéaciens ou à Ithaque, dirigeant les flèches lancées contre les prétendants. On voit des dieux hostiles comme le Soleil faisant trépasser les compagnons d’Ulysse et surtout Poséidon, vindicatif après la mort de son fils, le cyclope Polyphème. Les conflits de pouvoir entre olympiens semblent décider du sort des humains, devant leur salut aux interventions divines davantage qu’à leur conduite.

L’aventure amoureuse n’est pas en reste avec les trois amours d’Ulysse. Son séjour auprès de Circé, au terme duquel ses compagnons doivent lui rappeler son désir de retour oublié, dure une année. Il demeure sept ans près de Calypso dont il partage la couche. La troisième concerne les retrouvailles avec Pénélope, empreintes d’incertitudes, nécessitant prudence jusqu’au moment où Ulysse se fait enfin reconnaître par sa fidèle épouse.

C’est enfin par le goût impérieux qu’ont tous les personnages pour les récits d’aventures que celles-ci sont présentes dans l’Odyssée. Les personnages sont nombreux à rapporter les leurs avec plaisir et complaisance. Ménélas relate comment Hélène a tenté les guerriers grecs enfermés dans le cheval de Troie de se trahir ou comment il lui a fallu capturer Protée, Eumée, fidèle serviteur, raconte son enlèvement et comment il a été vendu au père d’Ulysse, Démodocos fait le récit des aventures adultères d’Arès et d’Aphrodite. Mais c’est surtout Ulysse qui multiplie les affabulations sur son périple et sur son identité, incitant le lecteur à distinguer les aventures du récit du récit d’aventures.

Les aventures du récit

cours de français sur l'Odyssée d'Ulysse Comme l’écrit Jean-Paul Sartre dans La Nausée en 1938 : « Pour que l’événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter » et une des spécificités de l’Odyssée réside moins dans les aventures vécues que dans les récits qui en sont faits. L’aventure, malgré nos regards de cinéphiles de ce début de millénaire, ne se raconte qu’au passé et c’est seulement son aventure racontée aux Phéaciens qu’Ulysse regagne Ithaque. Son récit met fin à l’aventure exploratrice qui l’a partiellement séduit, tout en justifiant son absence, elle confirme son désir de retour et le rend disponible à une nouvelle et dernière aventure, l’élimination des prétendants.

L’Odyssée contient ainsi plusieurs récits d’aventures, racontées par un narrateur principal, des narrateurs acteurs, des tiers qui en ont entendu parler comme Nestor, Hélène, Protée, les morts que rencontrent Ulysse ou par des professionnels comme les deux aèdes présents dans le texte, Phémios, qui divulgue par la parole, et Démodocos, celui qui instruit le peuple.  Et bien sût Ulysse, notamment des chants IX à XII où nous découvrons le contenu des trois années précédant l’arrivée chez Calypso dans le premier flash-back de la littérature occidentale.

Il semble qu’Homère, loin de prendre à sa charge tel ou tel récit délégué, souhaite davantage montrer que cette polyphonie énonciative répond à la polyphonie des sens à attribuer à l’aventure. Une aventure toujours à réécrire et redire dans une toute-puissance de la parole poétique capable de se dégager de l’imitation du réel en le transfigurant et en faisant miroiter ses différents aspects et la pluralité de ses interprétations.

Gloire au poète

La gloire revient ainsi autant à celui qui sait raconter, qui domine l’épos, la parole, qu’à celui accomplissant de hautes actions. Ulysse ne dédaigne d’ailleurs pas le rôle d’aède mais son récit d’aventures fantastiques ne pourrait être qu’un mensonge empreint de caractéristiques du conte folklorique avec ses ogres, ses vents enfermés dans une outre, ses magiciennes, ses sirènes, ses vaches sacrées qui parlent tout en cuisant.  On passe ainsi du héros épique de l’Iliade, aristocratique et militaire, à un être complexe, habité par cette métis, cette ruse habile et mensongère, pleine de savoir-faire lui permettant de surmonter la variété des épreuves. Des ruses et savoir-faire indispensables à la vie en temps de paix et inaugurant une littérature où la population civile pourrait trouver des modèles de conduites énergiques, courageuses et raisonnables pour former des citoyens ordinaires soucieux d’un bonheur quotidien.

Une aventure incessamment reprise

Ulysse ouvre ainsi la voie au roman d’aventures, à la littérature romanesque et parodique de l’épopée qui l’a précédée. Du Satiricon de Pétrone au Perceval de Chrétien de Troyes, du Panurge du Tiers Livre de Rabelais au Télémaque de Fénelon, des romans picaresques espagnols à Jacques le fataliste de Diderot, de Candide de Voltaire à l’Ulysse de Joyce, le héros de l’Odyssée a revêtu les mille et un masques du voyageur, du conteur et du comédien.

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Ainsi le lecteur doit-il faire ses choix et réécrit pour chaque époque et suivant chaque caractère sa propre odyssée, voyage de la destinée où l’existence précède l’essence comme dans l’existentialisme sartrien. Un voyage de formation et d’initiation, empreint de réflexions sur le retour, la guerre et la paix mais aussi de prospections sur les formes de l’intelligence et d’une parole humaine à la fois véridique et trompeuse, poétique au sens étymologique d’éternelle création renouvelée.

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