Marion soutien scolaire françaisMontesquieu (1689-1755), au programme du bac de français de première, fait l’objet de toutes les attentions chez notre E-prof de soutien scolaire en ligne Marion, dans ce cours spécial lycée.

Pour les lycéens et notamment ceux qui vont passer le Bac de français à la fin de l’année, je propose aujourd’hui un petit tour d’horizon d’un auteur incontournable du XVIIIe siècle, Charles-Louis de Secondat, Baron de Montesquieu, et notamment de trois des ses œuvres majeures : Lettres persanes, Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et leur décadence, et bien entendu, L’Esprit des lois. Et pour mieux comprendre encore la prose de Montesquieu, vous trouverez aussi quelques pistes de lecture sur l’extrait De l’esclavage des nègres.

  • Lettres persanes (1721)

C’est à Amsterdam où il s’est installé quelque temps que Montesquieu publie ses Lettres persanes, d’abord de manière anonyme. Le roman rencontre rapidement un grand succès auprès du public ce qui amène son auteur à fréquenter la vie mondaine de la Régence.

Il s’agit d’un roman épistolaire (un roman par lettres) dans lequel deux Persans, Usbek et Rica, visitent la France tout en échangeant des lettres avec les compatriotes de leur pays d’origine. Le lecteur suit donc la progression de ces deux personnages durant leur voyage ainsi que la vie en Perse grâce à ces échanges épistolaires, et plus particulièrement, la vie du sérail d’Usbek. La description de cette vie du sérail permet une peinture de plusieurs tableaux libertins alors en vogue au XVIIIe siècle. De plus, elle introduit de nombreuses réflexions sur la situation de la femme en Orient tout comme en Occident. L’auteur dépeint aussi longuement le despotisme oriental.

En filigrane, le lecteur découvre une satire des mœurs et des institutions. Par les observations que les deux Persans font sur le pays qu’ils visitent, une critique du pouvoir politique et religieux se dessine. Montesquieu en profite aussi pour développer ses idées sur la liberté, l’esclavage, la justice, les lois ou la tolérance.

Le recours à la fiction et à l’exotisme permet à l’auteur de faire ces différentes critiques de la société. Mais il s’agit avant tout d’une critique de l’antinature : des harems et des nombreux interdits en Orient, de l’Église, des institutions étatiques et de la colonisation en Occident. Cela permet aussi à l’auteur d’exposer ses idées et son idéal de société fondé sur la justice et la raison. De nombreux passages de ce roman épistolaire annoncent les idées que l’auteur développera dans son futur De l’esprit des lois.

  • Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734)

 À partir 1728, Montesquieu entreprend un long voyage dans de nombreux pays d’Europe (Autriche, Hongrie, Italie, Bavière, Prusse, Pays-Bas et Angleterre) qu’il prend le temps d’observer rigoureusement afin de connaître au mieux leur politique et leurs mœurs. De retour à La Brède, il s’adonne pleinement à l’écriture en publiant ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, livre précurseur aux vues des autres qui vont lui succéder.

Dans  cet essai, Montesquieu tente de montrer que l’épopée de l’Empire romain illustre en réalité l’histoire de toutes les sociétés. Il développe les causes qui selon lui ont fait la grandeur de cet empire puis celles de sa décadence. L’œuvre présente donc un intérêt historique et philosophique. En effet, l’histoire de Rome y est décrite avec précision et justesse ce qui permet d’apprécier la science de l’auteur. Au-delà de ce récit historique, l’auteur met en évidence les lois qui gouvernent tous les États en soulignant l’insuffisance de l’administration romaine qui a conduit l’Empire à sa chute notamment par la disparition des libertés et des vertus républicaines :

Ce n’est pas la fortune qui domine le monde… Il y a des causes générales, soit morales, soit physiques, qui agissent dans chaque monarchie, l’élèvent, la maintiennent ou la précipitent.

Dans cet extrait, on retrouve le principe fondamental que Montesquieu développera dans De l’esprit des lois.

                Ainsi, les différentes analyses dans cette œuvre permettent de mettre en évidence les qualités de juriste de son auteur puisqu’il analyse en profondeur tous les rouages du fonctionnement de l’État. On relèvera  aussi ses qualités de moraliste et philosophe puisqu’il montre à quel point l’étude du passé est essentielle à la compréhension du monde contemporain et comment les conditions psychologiques et politiques d’un événement sont décisives dans son avènement.

  • De l’esprit des lois (1748)

De L’Esprit des lois est sans conteste l’œuvre majeure de Montesquieu sur laquelle il a travaillé des années durant malgré une quasi cécité. Malheureusement, sa Défense de l’Esprit des lois (1750) ne suffira pas et son œuvre sera mise à l’Index (liste de livres interdits à la lecture par l’Église Catholique).

L’ouvrage, de structure assez complexe, se divise en XXXI livres groupés en VI parties, découpées elles-mêmes en de nombreux chapitres. Si ce livre est autant subdivisé, c’est avant tout parce que son auteur s’est  penché dessus de nombreuses années durant, n’ayant de cesse de rajouter, modifier et rectifier certains passages. Il s’agit réellement de l’œuvre de toute une vie qui se présente comme une sorte de guide. En effet, de nombreux hommes qui ont participé à l’avènement de la Révolution française ont puisé dans cet ouvrage l’idéal de vertu sur lequel ils voulaient fonder leur future république. D’autant plus que Montesquieu fut précurseur dans la dénonciation de l’esclavage et des crimes de l’Inquisition, combat repris par de nombreux philosophes du XVIIIe siècle.

Science et sociologie politique

Le dessein premier de Montesquieu à travers cette œuvre, est de créer une science positive des lois et des faits sociaux : il veut donc décrire les choses bien telles qu’elles sont et non telles qu’elles devraient être. Il tente de démontrer que tous les éléments constitutifs de la politique (les usages et les mœurs, l’économie, les lois etc) agissent nécessairement les uns sur les autres en suivant une logique stricte. Pour cela, il a une approche scientifique puisqu’il cherche à éliminer le hasard ainsi que toutes explications métaphysiques. La science politique correspond donc parfaitement à son dessein.

Cette science l’amène notamment à étudier l’ensemble des sociétés qui se sont succédé dans l’histoire (comme nous l’avons déjà vu, il a auparavant observé de près l’Empire romain). Il admire notamment l’Angleterre où il a vécu quelque temps, et sa Constitution encline à la séparation des pouvoirs. Une bonne Constitution est, selon Montesquieu, l’élément clé d’une société morale et intègre dont le but ultime est l’utilité sociale et le bonheur de l’humanité. L’État quant à lui, doit veiller sur le bien-être de ses citoyens. L’auteur perçoit l’État comme un tout, une globalité dont le bon fonctionnement repose bien plus ses des mœurs morales que sur des lois. La vertu et le bonheur sont donc au cœur de cet ouvrage.

Quelques idées développées dans l’ouvrage

  • Admiration pour les démocraties antiques.
  • Éducation des enfants qui sont de futurs citoyens par une formation morale et civique qui assurera le maintien de l’État.
  • Condamnation de la corruption de l’État et notamment de la monarchie ; critique de l’absolutisme et du despotisme.
  • Séparation des pouvoirs.
  • Relation entre le climat et les mœurs : théorie que Montesquieu fonde après des observations et des expérimentations scientifiques.
  • Dénonciation de l’esclavage.

 

  • Pour aller plus loin : pistes de lecture du texte De l’esclavage des nègres

Montesquieu, De l'esclavage des nègres

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :
Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres.
Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.
Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre.
On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.
Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité, que les peuples d’Asie, qui font les eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée.
On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande conséquence, qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.
Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez les nations policées, est d’une si grande conséquence.
Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.
De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. Car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?

Montesquieu, De l’esprit des lois, chapitre 6, Livre XV,  1748

Questions que soulève le texte :

  • Dans quelle mesure ce texte semble être un plaidoyer en faveur de l’esclavage ?
  • En quoi est-il en réalité un réquisitoire contre l’esclavage ?
  • Quels sont les procédés argumentatifs que Montesquieu utilise pour dénoncer l’esclavage ?
  • Comment les arguments des esclavagistes se réfutent-ils d’eux-mêmes ? En quoi s’agit-il de raisonnements par l’absurde ?

Difficultés du texte :

La difficulté principale du texte réside dans le double sens de celui-ci : il est donc essentiel de ne pas passer à côté de l’ambition polémique de l’auteur. Il est en effet facile de ne voir que le plaidoyer en faveur de l’esclavage, plaidoyer qui n’est en réalité qu’une apparence. En effet, en bon pamphlétaire, Montesquieu utilise l’ironie pour critiquer les esclavagistes et écrire un réquisitoire efficace contre l’esclavage.

Proposition de plan :

1/ Un réquisitoire qui ressemble d’abord à un plaidoyer

  • Montesquieu se place en tant que porte-parole de la cause esclavagiste(1er paragraphe ; « nous ») et acte de fait que la justice est de leur côté : « le droit que nous avons ».
  • Texte divisé en paragraphes courts apportant chacun un nouvel argument : structure efficace avec une argumentation solide et logique, construite comme une démonstration quasi scientifique. Montesquieu utilise des arguments variés et qui semblent sérieux (arguments historique, économique, ethnologique, sociologique, culturel et théologique).
  • L’auteur utilise des postulats, c’est-à-dire des arguments qui paraissent irréfutables mais qui ne peuvent être démontrés et doivent être admis comme tels. Exemple : « Il est de nature de penser ».

2/ Un pamphlet contre l’esclavage

  • Montesquieu prend rapidement de la distance avec la cause esclavagiste : les pronoms personnels « je » et « nous » sont rapidement remplacés par un « on » plus généraliste puis un « ils » qui mets encore plus à distance les partisans de l’esclavage.
  • Il montre qu’il maîtrise parfaitement le pamphlet = genre de la polémique par excellence (qui du point de vue de la rhétorique, appartient au genre démonstratif). Si le pamphlet a très souvent recours au blâme, il peut aussi jouer sur l’éloge par le biais d’antiphrases, afin de critiquer de manière ironique ce qu’il veut dénoncer. C’est entièrement le cas ici. Il s’agit en effet bel et bien d’un réquisitoire contre l’esclavage.
  • Il maîtrise aussi parfaitement l’ironie: par l’utilisation répétée d’antiphrases (voir notre article sur Les figures de style), d’exagérations (paragraphe 2 : argument économique au sujet du prix du sucre, très exagéré ce qui surprend), de superlatifs (« le nez si écrasé », « si naturel » …) ; par l’enchaînement de propositions contraires à la vérité.
  • Il s’appuie sur des raisonnements par l’absurde (notamment sur des postulats, comme dit précédemment) en utilisant par exemple des syllogismes (=déduction, raisonnement formel  fonctionnant sur lui-même et sans lien avec le réel) comme dans le paragraphe 9 :

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

Ici, le propos ironique de l’auteur consiste à dire qu’étant donné la manière dont les esclavagistes traitent les noirs, soit de façon inhumaine et opposée à tous les principes chrétiens, il est impensable de considérer que ces noirs sont des hommes au même titre qu’eux ; si c’étaient des hommes, ils ne seraient pas traités ainsi. Car les bons chrétiens accueillent et défendent tous les hommes sans distinction. Ainsi, Montesquieu se repose sur un argument qui à priori paraît logique mais qui, en réalité, est complètement absurde.

  • Le recours au burlesque (développement d’idées extravagantes) et à la bouffonnerie, comme dans le paragraphe 5 où l’auteur établit un lien entre la couleur de la peau et la nature de l’âme, lien qui ne résiste en rien à la logique et à la réflexion :

On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.

Ainsi, chaque argument (un argument par paragraphe) se détruit par lui-même du fait de son absurdité. Montesquieu peut ainsi pointer du doigt l’hypocrisie de l’Église ainsi que la duplicité et la mauvaise foi des partisans de l’esclavage. Retrouvez d’autres articles de révision bac français dans la rubrique dédiée de notre blog de soutien scolaire en ligne,

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