Dans le cadre de votre préparation bac français, Marion, prof en ligne de soutien scolaire français, vous propose cette fiche auteur sur Marguerite Duras ou la quête d’un passé réinventé.

Écrire avant tout            

Marguerite Duras, corrigé commentaire de texte bac français 2017Marguerite Duras est sans conteste l’un des plus grands écrivains du XXe siècle grâce à son œuvre originale qui a renouvelé le genre romanesque et théâtral. Une œuvre riche et variée en effet puisqu’elle ne comptabilise pas moins d’une quarantaine de livres mais aussi une quinzaine de films et une dizaine de pièces de théâtre. Sans compter les très nombreux entretiens qu’elle accorda tout au long de sa vie. Elle n’a en effet eu de cesse de raconter et de se raconter. Elle était mue par un besoin d’écrire quasi obsessionnel. Écrire, toujours, tout le temps. Écrire comme un souffle vital. Et écrire de toutes les manières possibles, des récits d’abord, mais du théâtre aussi, des scénaris, et même écrire au-delà de l’oralité avec des livres travaillés au magnétophone comme ce fut le cas pour La Vie matérielle (1987). Elle était d’une très grande exigence avec elle-même et travaillait ses textes et surtout sa langue, de manière acharnée afin de se créer son propre style. « Si vous ne lui dites pas qu’elle est écrivain, elle se tuera » aurait dit un jour Robert Anselme qui fut son époux, en allant déposer le manuscrit des Impudents (1943) chez l’éditeur Plon. Et à force de travail, elle réussit à trouver ce style unique, son style, son langage, souvent proche de l’oralité et empreint d’une grande authenticité.

Le style durassien

Son style, c’est aussi la déconstruction du récit dans lequel elle s’éloigne des faits concrets pour aller flirter avec les limites de l’inconscient. Les psychanalystes se sont eux-mêmes penchés sur l’œuvre durassienne en s’étonnant de la manière dont l’écrivaine parvenait à percevoir les détours de l’inconscient. « Duras ne doit pas savoir ce qu’elle écrit, sinon elle se perdrait et ce serait la catastrophe », avait commenté le célèbre psychanalyste Jacques Lacan. Cette phrase de Lacan, Marguerite Duras se l’est appropriée jusqu’à en faire « une identité de principe » disait-elle.

Déconstruction du récit donc, mais aussi des personnages, de l’action, du temps et des phrases. Elle fut un moment affiliée au mouvement du Nouveau Roman qui prônait ce genre de déconstruction.

L’autobiographie

La matière autobiographique occupe la plus grande place de son œuvre. Pour elle, en écrivant sur son passé, en cherchant dans les recoins de sa mémoire, il s’agissait de « reprendre possession de son destin en se laissant porter par l’exploration de zones inconnues de soi. »[1] Elle invite donc le lecteur à découvrir ces zones d’ombre dans une volonté sans cesse renouvelée d’élucider son passé. La majeure partie de son œuvre est en effet bercée par les souvenirs, réels ou inventés, de son enfance et adolescence :

On est en droit de [se] demander pourquoi j’écris ces souvenirs. […] Sans doute pour les mettre au jour, simplement. J’ai l’impression depuis que j’ai commencé à écrire ces souvenirs que je les déterre d’un ensablement millénaire. […] Aucune autre raison ne me fait les écrire sinon cet instinct de déterrement.

C’est très simple. Si je ne les écris pas, je les oublierai peu à peu. Cette pensée m’est terrible.[2]

Etude du roman Un Barrage contre le Pacifique (1945)

Troisième roman de Marguerite Duras, Un Barrage contre le Pacifique rencontra un grand succès et manqua de peu le prix Goncourt. Il marque réellement un tournant dans l’œuvre de son auteur. En effet, tous les thèmes de la problématique de l’œuvre durassienne que l’auteur n’aura de cesse de développer, remanier et approfondir, sont en germe ici : la dénonciation de l’injustice et de la morale bourgeoise, la condamnation du monde colonial, la tendresse de l’enfance, l’amour et le désamour pour sa mère – mère qui prend une ampleur épique dans ce roman –, la géographie, tant réelle qu’inventée, de l’Indochine

Roman d’une saga familiale avant tout, celle de son auteur ; roman autobiographique par-dessus tout. Marguerite Duras dira qu’il s’agit de son « œuvre la plus autobiographique, si l’on parle des événements et des faits »[3] comme le montre notamment la description du cadre historique et géographique de l’Indochine où se déroule l’histoire et où l’auteur a grandi. Si dans son premier roman, Les Impudents, de nombreux personnages étaient déjà inspirés par différentes figures familiales, c’est réellement dans cette troisième œuvre que l’auteur aborde de front la retranscription des souvenirs de son enfance et adolescence. Enfance et adolescence : deux matériaux plus qu’essentiels dans toute l’œuvre durassienne. Tout comme le motif de l’amour et du désamour pour sa mère qui hantera toute son œuvre. Elle l’admire tout autant qu’elle la critique et la juge sans ménagement. Elle l’érige dans ce roman comme une figure mythique. Si les faits et les événements du roman sont pour la plupart authentiques, l’auteur prend cependant des libertés avec la réalité pour le reste. Et notamment en ce qui concerne le personnage de sa mère. « Où es-tu allée chercher ça ? », aurait dit cette dernière à sa fille à la lecture du Barrage où elle se voit dépeinte presque comme une mère-monstre qui voue un amour sans limites à son fils aîné auquel elle accorde une indulgence aveugle.

Ce roman est aussi celui de la première apparition du personnage de l’amant, appelé alors M. Jo, et que le lecteur retrouvera dans L’Amant puis dans L’Amant de la Chine du Nord.

Enfin, le style durassien s’affirme réellement dans cette œuvre et notamment dans la multiplication des traits d’oralité : « Nous j’ai l’impression qu’on se débrouillerait pour ça nous le fasse, le bonheur ».[4] Le dialogue occupe aussi une place omniprésente et prime sur le récit.

Retrouvez ici un corrigé bac français 2017 sur un commentaire de texte issu d’Un barrage contre le Pacifique

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Etude du livre L’Amant (1984)

Alors que Marguerite Duras avait raté de peu le prix Goncourt pour Un Barrage contre le Pacifique, elle l’obtient enfin en 1984 avec L’Amant. Ce roman suscita le scandale dans certains milieux de par son statut autobiographique – il est d’ailleurs écrit à la première personne – puisqu’il rapporte la liaison passionnelle que l’auteur alors adolescente, a eue avec un jeune homme, chinois et riche. La médiatisation de son auteur fut alors sans précédent.

Ce roman marque l’acmé (point culminant de l’œuvre) de tous les motifs durassiens explorés incessamment depuis Un Barrage, comme si ces deux récits encadraient toute l’œuvre de l’auteur. On y retrouve la folie de cette mère trahie par la société, la violence du frère aîné trop aimé par cette mère, l’amour pour le « petit-frère » (Marguerite Duras l’appelle ainsi or, en réalité, il est plus âgé qu’elle), la géographie de l’Indochine, la passion et l’urgence du désir, la rencontre avec l’inconnu. Il y a chez cet auteur une quasi folie obsessionnelle autour de ces thèmes qu’elle n’a eu de cesse de parcourir, sonder, approfondir. À tel point que la réalité tend elle-même à devenir une fiction. Où se trouvent d’ailleurs la réalité et la fiction dans L’Amant ? Il s’agit d’une autobiographie, certes. Mais la liberté prise par l’auteur avec la réalité est large. La figure de l’amant déjà, s’est réinventée de livre en livre, de variation en variation jusqu’à la dernière dans L’Amant de la Chine du Nord. Tous les romans de Marguerite Duras qui se veulent être une autobiographie sont au final, une réappropriation par l’auteur de sa propre histoire et vérité ; elle a tissé, petit à petit, un roman de sa vie. Les nombreux passages du « je » au « elle » dans L’Amant traduisent l’absence de cette frontière entre la réalité et la fiction.

Tous ses romans se veulent aussi une recherche stylistique incessante. Tout comme dans Un Barrage, les traits d’oralité sont très présents dans L’Amant : « C’est ça qu’il doit dire et c’est ça qu’on dit quand on laisse le dire se faire, quand on laisse le corps faire et chercher et trouver et prendre ce qu’il veut. »[5] Cependant, l’écriture est aussi devenue plus poétique et lyrique comme cela se lit dès l’incipit :

Très vite dans ma vie il a été trop tard. À dix-huit ans il était déjà trop tard. Entre dix-huit et vingt-cinq ans mon visage est parti dans une direction imprévue. À dix-huit ans j’ai vieilli. Je ne sais pas si c’est tout le monde, je n’ai jamais demandé. Il me semble qu’on m’a parlé de cette poussée du temps qui vous frappe quelquefois alors qu’on traverse les âges les plus jeunes, les plus célébrés de la vie. Ce vieillissement a été brutal. Je l’ai vu gagner un à un mes traits, changer le rapport qu’il y avait entre eux, faire les yeux plus grands, le regard plus triste, la bouche plus définitive, marquer le front de cassures profondes. Au contraire d’en être effrayée j’ai vu s’opérer ce vieillissement de mon visage avec l’intérêt que j’aurais pris par exemple au déroulement d’une lecture.[6]

L’Amant est réellement le roman de la pleine maturité de son auteur, tant dans son style si unique, que dans l’exploration  et le « déterrement » de son passé.

Marion soutien scolaire français[1] Aliette Armel, Le Magazine littéraire, « Hors limite », n°513, novembre 2011, page 53.

[2] Marguerite Duras, Cahiers de la guerre et autres textes, « Cahier rose marbré », édition établie par Sophie Bogaert et Olivier Corpet, éd. P.O.L/Imec, 2006.

[3] Entretien avec Bettina L. Knapp, The French Review, vol. XLIV, n°4, mars 1971, page 654.

[4] Un Barrage contre le Pacifique, réed. Folio, 1978, page 45.

[5] L’Amant, édition de Minuit, 1984, page 55.

[6] Ibid.

D’autre articles de soutien scolaire en ligne sont à retrouver au fil de notre blog.
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