De nombreux travaux scientifiques cherchent à comprendre l’origine neurobiologique de la dyslexie afin de pouvoir la diagnostiquer le plus tôt possible et, mieux, de pouvoir la traiter.

La dyslexie est un trouble de la lecture qui atteindrait près de 700 millions de personnes dans le monde et qui a des conséquences sociales importantes. Notre équipe de soutien scolaire en ligne se propose de faire le point sur les connaissances scientifiques.

Deux approches ont été développées compte tenu du fait que la dyslexie se caractérise par une grande diversité de symptômes :  dans le langage écrit et oral, mais également dans les domaines auditifs, visuels et moteurs.

Dyslexie : la détecter, se faire aider…

Notre article en anglais sur des personnalités dyslexiques célèbres

  1. La première approche suppose que le trouble cognitif est la principale cause directe du trouble.
  2. La seconde approche accorde un rôle primordial aux troubles sensoriels et moteurs, en postulant qu’ils reflètent la cause biologique profonde des troubles cognitifs.
  3. Enfin, en 2004, Ramus propose une synthèse de ces deux approches en proposant que la dyslexie est, dans la grande majorité des cas, due à un déficit phonologique tout à fait spécifique, mais que, dans une partie de la population dyslexique, ce déficit spécifique s’accompagne d’un syndrome sensorimoteur aux manifestations multiples et variables. Selon cette hypothèse, le syndrome sensorimoteur ne permet pas d’expliquer la dyslexie, il lui est simplement associé. Le lien entre dyslexie et syndrome sensorimoteur peut s’expliquer en s’intéressant aux bases neurologiques des deux processus.

dyslexie : formation de l'encéphaleL’organisation des neurones corticaux (= du cerveau) lors de la période embryonnaire.

La migration normale des neurones au 4è-5è mois de gestation.

L’encéphale (ensemble des structures nerveuses de la tête) se forme progressivement et apparaît d’abord sous la forme d’un tube (dit neural) bordé de part et d’autre par des crêtes (dites neurales).

La migration des neurones se fait de la partie profonde de la paroi du tube neural vers la partie périphérique en utilisant une forme particulière de cellules gliales, que l’on ne rencontre que pendant le développement du système nerveux et qui disparaît chez l’adulte: la glie radiale. Chacune de ces cellules possède un prolongement qui traverse toute l’épaisseur du tube neural. Ces prolongements constituent un support sur lequel les neuroblastes (= cellules nerveuses immatures) en migration s’accrochent et migrent.

Bases neurologiques de la dyslexie

Remarque : Le ventricule indiqué au cœur du tube neural contient le liquide céphalo-rachidien nécessaire aux cellules nerveuses mais n’a rien à voir avec les ventricules cardiaques.

Ces migrations cellulaires permettent de constituer les différentes aires corticales fonctionnelles impliquées dans la lecture et le langage.

Les anomalies de la migration neuronale chez les dyslexiques

Des observations comparées des cartes corticales (= répartition des neurones dans les différentes  aires corticales du cerveau) de sujets dyslexiques avec celles des sujets non dyslexiques montrent des zones où les neurones ont migré atypiquement, créant des ectopies c’est-à-dire des amas de neurones anormalement localisés.

Ces anomalies migratoires ont pu être reproduites chez des rats par modification génique.

  • Des chercheurs finlandais ont mis en évidence le rôle du gène DYX1C1du chromosome 15, et surtout de certains de ses allèles (= variantes), dans la migration neuronale : l’inactivité de ce gène ainsi que la présence de certains de ses allèles  provoquent des anomalies de la migration neuronale, induisant des ectopies corticales.
  • D’autres travaux ont mis en évidence le rôle des gènes DCDC2 et KIAA0319 (chromosome 6) eux aussi nécessaires pour la migration neuronale. En particulier, il a été montré que leur activité est conjointe à celle du gène DYX1C1 et que leur inactivité induit les ectopies caractéristiques des cerveaux de dyslexiques.
  • Enfin le gène ROBO1 du chromosome 3 assure la formation des connexions entre les neurones des hémisphères droit et gauche du cerveau. Ces deux hémisphères, bien que morphologiquement très similaires, fonctionnent en fait de manière très différente.
    Le gauche contient tous les centres et circuits spécialisés dans le langage, alors que le droit est pratiquement incapable de toute activité linguistique mais contient la plupart des circuits permettant la perception spatiale, en particulier sur le mode visuel, du monde environnant.

L’organisation neuronale des structures sensorielles profondes : les voies de la vision et de l’audition.

Des cerveaux de dyslexiques ont montré des anomalies cellulaires non plus au niveau de la surface corticale, mais dans la profondeur des hémisphères, au sein de zones qui servent de relais aux voies auditives et visuelles. Il existe ainsi une atrophie des grosses cellules de ces zones, dont on suppose qu’elles servent à véhiculer un certain type d’informations sensorielles relatives à la perception globale et à la transmission rapide de l’information, tant auditive que visuelle. Ces anomalies ont été rapprochées des anomalies de la perception des informations visuelles rapides et à faible contraste chez le dyslexique.

Ces perturbations organisationnelles de ces zones peuvent être induites par l’hormone mâle : la testostérone.

Ainsi, des travaux expérimentaux chez les rats et souris ont montré que les modifications des voies visuelles et auditives profondes sont fréquentes chez les mâles qui présentent déjà des ectopies corticales et qu’elles peuvent être induites chez les femelles avec ectopies corticales par injection de testostérone.

Conclusion

Les bases biologiques de la dyslexie et des troubles sensoriels associés sont donc clairement multifactorielles.

D’abord, ces résultats, transposés à la dyslexie humaine, suggèrent que les troubles sensoriels sont secondaires au déficit cognitif dû aux ectopies corticales (d’origine génétique), et qu’ils ne se développent que sous l’influence additionnelle d’un facteur hormonal.

Ensuite, le déterminisme génétique est démontré. Mais il faut souligner que, si l’usage en génétique veut qu’on désigne les gènes cités comme des « gènes de la dyslexie », il s’agit d’un raccourci pour désigner des gènes dont certains allèles augmentent le risque de dyslexie. Il doit donc être clair qu’aucun de ces gènes n’est spécifique à la dyslexie, et qu’il ne s’agit pas non plus de gènes de la lecture, ni même du langage oral. Comme presque tous nos gènes, ceux-ci existent dans des formes voisines chez les autres mammifères, et même chez la drosophile. Ces gènes exercent, chez tous ces animaux, des fonctions multiples, et sont d’ailleurs exprimés dans de nombreux organes différents au cours du développement et de la vie. Ils sont donc reliés plus spécifiquement à la dyslexie par le fait d’être aussi impliqués dans un stade particulier du développement cérébral, et, en particulier dans la mise en place de certaines aires cérébrales qui seront, bien plus tard, recrutées par l’apprentissage de la lecture.

Enfin, ces découvertes indiquent que le traitement de la dyslexie peut passer par une neuro-éducation qui pourra avoir des prolongements dans l’amélioration des apprentissages, confirmant, comme dans tous les aspects du comportement humain, que nature et culture sont indissociables.

Bilan schématique du déterminisme de la dyslexie

Bilan schématique du déterminisme de la dyslexie

Une autre cause de la dyslexie…..dans l’œil.

L’anatomie de l’œil fait apparaître dans son axe optique une zone appelée macula dans laquelle on repère une petite dépression : la fovéa qui ne mesure que quelques mm².

Zone macula de l’œil, dyslexie

Des observations très fines de la fovéa et notamment de son centre appelé « tâche de Maxwell » ou « centroïde » font apparaître une différence de forme entre les deux yeux: sur l’œil dominant (comme nous avons l’usage d’une main dominante), le centroïde est rond, tandis que sur l’autre œil, son contour est imprécis, comme un ballon déformé. Or, chez les dyslexiques, les deux centroïdes sont ronds : le cerveau reçoit alors deux images dominantes. Le cerveau est alors en pleine confusion puisque les deux images ont la même valeur. Il voit donc à la fois l’image et son miroir, ce qui peut expliquer, par exemple, la confusion des lettres comme « b » et « d » ou « p » et « q ».

Albert Le Floch explique que, lorsqu’un « b » se forme sur un hémisphère du cerveau, son image est aussi envoyée à l’hémisphère opposé. Lors du transfert d’un hémisphère à l’autre, l’image se renverse. Elle est ensuite acheminée au cerveau central, mais avec un retard de dix millisecondes sur l’image principale.

Normalement, le cerveau rejette l’image miroir (voir image ci-dessous), qui est de moindre qualité. Mais, le dyslexique voit les deux images parce qu’il a deux yeux dominants. L’image miroir, que le cerveau peut éliminer parce qu’elle est un peu moins bonne, a la même valeur que l’image principale chez le dyslexique.

vision d'un dyslexique

Albert Le Floch et Guy Ropars ont mis au point une technique pour contrer cet effet miroir problématique. Comme l’image miroir prend 10 millisecondes de plus que l’image principale pour se rendre au cerveau central, ils ont découvert qu’un éclairage de type stroboscopique pourrait offrir une solution : toutes les 10 millisecondes, la lampe clignote (sans que le sujet s’en aperçoive) afin que le cerveau oublie l’image miroir.  Il devient ainsi capable de l’éliminer rendant alors la lecture normale.

soutien scolaire en ligne SVT, aide aux devoirsLes auteurs demeurent cependant prudents concernant les bénéfices de leur découverte sur le quotidien des dyslexiques. Mais, ils soutiennent n’avoir rencontré aucun contre-exemple parmi les 30 étudiants dyslexiques qui ont participé à l’expérience et qui ont baptisé cette lampe, « la lampe magique ». Ce procédé n’a cependant pas encore été breveté par ces concepteurs qui «espèrent que leur hypothèse sera confirmée par d’autres laboratoires» et qu’on puisse enfin la tester sur des enfants qui peuvent développer des troubles de l’apprentissage du fait de leur dyslexie. Ils espèrent qu’en travaillant avec des ophtalmologues, des orthophonistes et même des neurologues, ils trouveront d’autres moyens pour améliorer le quotidien des patients.

 

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