soutien scolaire philosophiePour ce nouveau cours de soutien scolaire de philosophie en ligne, Maryse revient sur la notion de désir et de jouissance vue par les philosophes, en particulier Schopenhauer et Platon. Benoît, prof de SVT, se penche à la fin de cet article sur les circuits nerveux du plaisir.

Le désir ou le sentiment de manque vis-à-vis d’un objet de désir préside à l’action. Le désir qui s’accompagne du sentiment douloureux de frustration comme l’évoque Schopenhauer lorsqu’il définit la nature du désir comme un état de souffrance, entraîne l’élaboration d’une stratégie de l’esprit et du corps pour obtenir l’objet du manque.

Que ce soit un être vivant, un événement, une sensation, un idéal, ce qui est désirable est objet de désir.

 Le désir, sujet du bac 2016

Retrouvez notre analyse des sujets tombés lors de l’épreuve de philosophie du baccalauréat 2016 :

Bac L : le désir est-il par nature illimité ?

Bac S : Le désir nous éloigne-t-il du vrai ?

La notion d’objet de désir en philosophie

« Objet » fait partie de la même famille que « objectif » et signifie « ce qui est posé là », devant moi. L’objet est donc extérieur à moi. Il n’est pas moi. Que l’objet de désir soit accessible (voiture, mariage…), ou inaccessible (idéal éthique, croyance, etc…), il suppose être la condition de l’action humaine et le but final.

En général, à cet objet de désir est projeté la promesse d’une jouissance au sens large du terme, c’est-à-dire, la pleine satisfaction, la plénitude. Certains parleront peut-être de bonheur si l’état est profond et relève d’une dimension spirituelle et/ou affective, d’autres parleront de plaisir si cet état est plus prosaïque, sensitif et rapide. En tous les cas, l’obtention de l’objet de désir est une promesse de jouissance quelle que soit sa forme. Ici, il est à remarquer que le désir, ce sentiment de manque parfois très douloureux, attribue à un objet la fonction de combler ce manque ou de satisfaire ce manque. On attribue donc à l’absence de cet objet la cause du manque, mais c’est une hypothèse de départ. Par exemple, on est attiré par une personne avec laquelle on pensera vivre heureux, mais c’est l’expérience qui confortera ou pas ce ressenti.

Schopenhauer définit la nature du désir comme un état de souffrance.

Schopenhauer définit la nature du désir comme un état de souffrance.

Désirer est donc un processus d’anticipation de la jouissance supposée apportée par l’objet de désir. C’est la raison pour laquelle l’objet de désir peut être décevant, fade, insatisfaisant quand on l’obtient, voire même douloureux, non jouissif du tout. Il est possible que cet objet procure une satisfaction très éphémère et que l’intérêt qu’on lui porte s’évanouisse assez vite et ouvre sur le désir d’un nouvel objet de désir. Dans son ouvrage Le monde comme volonté et comme représentationSchopenhauer explicitera ce point de vue en remarquant que « La satisfaction engendre bien vite la satiété ; le but était illusoire, la possession lui enlève son attrait, le désir renaît sous une forme nouvelle ».

Si on est à nouveau en quête d’un nouvel objet de désir, on peut se demander si on s’est trompé d’objet, ou est-ce que c’est la fonction même du désir que de chercher perpétuellement de nouveaux objets qui risquent encore une fois de procurer joie mais aussi douleur et frustrations ?

La notion de faux désir chez Platon

C’est ce qui a fait réfléchir les épicuriens qui ont proposé une philosophie de contrôle et de maîtrise des désirs parce que les désirs sont perpétuels et déstabilisants. Les épicuriens ont listé les désirs et les ont catégorisés afin d’en faire le tri (vains et naturels), et de bannir ceux qui sont source de douleur. Le plaisir qui est le bien premier sera le critère de sélection, plaisir qui ne devra pas générer de douleur.

C’est aussi la raison pour laquelle Platon a disqualifié la qualité, la véracité de ces désirs en considérant que ce sont de faux désirs. En résumé le mouvement perpétuel des désirs est symptomatique et masque au fond un autre et véritable désir chez l’Homme : celui de la vérité. Il a spiritualisé les désirs prosaïques humains, en les tournant vers un idéal inaccessible qui ne peut décevoir.

 Retrouvez notre cours de philosophie sur plaisir et travail :

Travail plaisir, travail désir

Pour ce faire, il faudra faire abstraction de son corps et contempler les idées.

Pour Platon, la jouissance est détachée des objets concrets et s’avère reliée à des idéaux.

Pour Platon, la jouissance est détachée des objets concrets et s’avère reliée à des idéaux.

Dans cette perspective, la jouissance s’inscrit dans l’acte même de la recherche. Elle stationne dans l’anticipation, dans le fantasme. La jouissance est détachée des objets concrets et s’avère reliée à des idéaux. Ces derniers sont aussi un objet lié à la créativité humaine, dont la jouissance est d’ordre spirituel. Ici, la jouissance est de l’ordre de la sublimation, au sens où les désirs primaires sont redirigés vers des idéaux élevés. La jouissance spirituelle est, d’une certaine façon, garantie du fait qu’elle procède essentiellement de l’imaginaire.

Ces deux perspectives se rejoignent d’une certaine manière car ce n’est pas forcément le désir qui est remis en cause, mais la jouissance qui en résulte : Elle peut entraîner l’homme dans un engrenage émotionnel qu’il faut endiguer.

Par ailleurs l’objet de désir est problématique car rien ne garantit sa présumée jouissance.

Est-ce que le Désir et la jouissance, concepts si intimement liés ne deviennent pas d’une certaine manière antagonistes, réfractaires l’un à l’autre ?

Pourquoi ?

Est-ce que la créativité reliée au désir ne compromet pas l’état de jouissance tant attendu – créativité qui nourrit elle-même le désir ? Est-ce que l’élaboration du désir qui accorde des conditions, des qualités, des spécificités à l’objet du désir n’en compromet pas la jouissance, car cette élaboration peut rendre l’expérience décevante ? Par exemple, on peut imaginer aller à une fête à laquelle on désire aller, et en fonction des attentes que l’on a développées mentalement – portant sur les qualités requises pour qu’une fête soit réussie – être déçu du déroulement de la fête. Les attentes peuvent être la cause de la déception vécue lors de la fête. Le désir a entravé la jouissance, il ne l’a pas laissée éclore. Si le fantasme produit par le désir, cultive et stimule le désir, il rend aussi la réalité décevante. Le fantasme rend appétant l’objet du désir, mais lorsqu’on s’en approche, décevant car non conforme au fantasme. La créativité liée au désir s’enferme. Est-ce que le désir qui envisage les conditions de jouissance n’empêche pas la jouissance ?

En outre, est-ce que la jouissance qui est supposée procéder du désir peut surgir, exister sans lui ? Est-ce que le bonheur, la satisfaction, le plaisir d’être, la joie, la jouissance peuvent exister sans désir préalable ? Doivent-ils obligatoirement être rattachés à un désir ? Doit-il y avoir obligatoirement un objet de désir pour éprouver de la satisfaction, de la jouissance ?

Enfin, est-ce que l’existence même d’un objet de désir n’est pas le symptôme de l’incapacité de l’Homme à pouvoir jouir du réel ? Ici, le désir et sa construction fantasmatique autour d’un objet de désir seraient une entrave à la jouissance. Pourrait-on jouir du réel sans objet ? Par exemple, un état de plénitude peut surgir par hasard, sans raison particulière, dans le mouvement de la vie.

Ici, dans cet ordre d’idées, la course effrénée et illimitée du mouvement du désir masquerait l’incapacité de jouir dans l’acte de vivre. Pour cacher sa difficulté à éprouver le bonheur ou la joie de vivre, on construit des objets de désir. D’ailleurs, la publicité a la fonction de créer des objets de désir qui masqueront le sentiment de solitude ou de désœuvrement de l’Homme (entre autres), c’est-à-dire sa difficulté à  se satisfaire simplement de la réalité. Les objets de désir deviennent ici des miroirs aux alouettes du bonheur.

Avoir un objet pour en jouir n’est-il pas le fait d’un conditionnement social ? La jouissance pourrait-elle se passer d’objet ? Y aurait-il une jouissance pour rien ?

___________________________________

Les circuits nerveux du plaisir

Dans cet exposé pouvant intéresser les collégiens à partir de la troisième puis les lycéens jusqu’à la terminale, Philippe, prof de SVT, revient sur les circuits nerveux du plaisir.

Si le désir peut faire naître la jouissance, celle-ci a pour support un circuit nerveux dont le siège est dans les profondeurs de notre encéphale (= ensemble de toutes les structures nerveuses protégées par la boîte crânienne). Elle représente biologiquement la satisfaction d’un désir par une action.

Le schéma ci-dessous en montre les principales étapes.

le circuit du plaisirLes stimulations diverses (voie sensorielle) que nous recevons sont reçues par la zone 1 qui les transmet :

SVT aide devoirs– à la zone frontale siège de l’attention et de la prise de décision,

– à la zone 2, siège de l’évaluation du plaisir potentiel associé à une expérience et de la motivation pour effectuer une action,

– à la zone 3 qui permet l’évaluation du caractère plaisant ou non d’une expérience en référence aux souvenirs associés aux expériences passées, stockés dans la zone 4.

Le traitement de ces informations sensorielles conduit à une réponse ou à son absence. Dans le cas d’une réponse (voie motrice) qui permet l’action de satisfaction donc la sensation de plaisir : elle émane de la zone frontale (qui exerce un contrôle sur les comportements instinctifs) et passe à nouveau par les zones 1 et 2 et par la zone 5, centre de la genèse de nombreux comportements.

Le renforcement de ce circuit est à l’origine des addictions.

Les connexions de ce système permettent de relier le conscient et l’inconscient et de donner un sens à nos actions de telle sorte qu’elles ne dépendent pas uniquement de la seule influence des hormones,  notamment sexuelles.

0 réponses

Répondre

Want to join the discussion?
Feel free to contribute!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Veuillez répondre à la question suivante *